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Interview de Vincent Munier

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En cette période d'approche des fêtes de Noël et de la chute des premiers flocons, quoi de mieux pour prendre le temps d'aller voyager à travers l'exposition de Vincent Munier "Les 3 Pôles" au Musée de la photographie Charles Nègre à Nice jusqu'au 15 janvier 2023.

A cette occasion, le photographe viendra à la découverte de son public le jeudi 15 décembre à 18h30. Au travers d'une cinquantaine de photographies, il nous sensibilise sur les trésors de la biodiversité qui nous entoure. 

Au cours de ses nombreuses pérégrinations, Vincent Munier s'est plusieurs fois arrêté dans le Mercantour. Il se livre dans une interview sur son expérience avec le parc national et la richesse de son territoire.

 

Quel ressenti avez-vous eu lors de vos incursions dans le Mercantour ?

Un bien-être, un apaisement, comme dans un refuge. Nos paysages s’enlaidissent à grands pas, sans que cela gêne la majorité des habitants. Comme si on s’habituait à la médiocrité, à l’artificialisation des sols et même de l’air, désormais. Nous sommes toujours, à mon grand désespoir, en conflit avec le reste du vivant. Nous nous devons d’habiter le monde différemment, mais nous n’y arrivons pas.  

Nous l’exploitons, nous le maîtrisons, nous le gérons… avec l’arrogance d’une espèce qui se considère comme supérieure aux autres. Nous allons évidemment subir (nous en avons eu les prémices) les conséquences de cette bêtise hégémonique.Oui, il y a quelques lieux où l’harmonie entre tous les vivants existe. Et je l’ai ressentie dans le Mercantour. 

Ces lieux sont si importants pour se ressourcer. Même si le danger est qu’ils nous servent de « cautions » - dans le sens où, en dehors de ces endroits, nous continuons à saccager, à polluer…
Les parcs nationaux doivent avoir cette mission première de conserver / préserver, certes, mais surtout d’éduquer, éveiller les consciences, faire en sorte que les citoyens qui les découvrent soient également attentifs au sauvage partout ailleurs. 
On peut penser qu’il est triste de devoir avoir des PN, finalement : dans un monde idéal, ils ne devraient pas exister ! 

Mais notre société de consommation a produit des habitants du monde idiots. Nous sommes à mon avis les véritables bêtes, au sens péjoratif du terme... Et nous avons eu le culot d’appeler les autres, les bêtes ! Elles qui pourtant restent à leur place, en équilibre dans ce monde magnifique et complexe. Nous, les idiots, amenons le déséquilibre.

 

Voyez-vous une évolution de la nature lors de ces dernières décennies ? Quelles solutions souhaiteriez vous proposer ? Faudait-il des espaces totalement sauvages ? 

L’évolution est trop lente pour qu’on puisse en parler, à mon sens. Nous savons, nous écoutons, mais nous n’entendons pas vraiment et agissons à peine. Difficile d’énumérer les solutions, qui relèvent de choix politiques dans une société. Je dirais donc, de manière résumée, qu’il est primordial d’amener du bon sens et de la raison dans le monde politique. 

A nous, le peuple, de devenir un peu plus animal, et donc plus intelligent, plus en lien avec les autres êtres vivants. 

Oui à plus d’espaces en libre évolution ! C’est indispensable pour rendre sa place à la diversité du vivant.

 

La nature est parfois si proche de nous, parfois même dans notre jardin. Qu'en pensez-vous ? 

Il est évident que nous sommes partie intégrante de la nature. Certes, notre jardin est aménagé, transformé, mais pourquoi devrions-nous le séparer de la nature ?

J’aime la pensée que développe Philippe Descola, reprise par beaucoup, de ne plus parler de « nature ». Il explique bien le biais de perception qu'induit ce concept, qui, en en extrayant l'espèce humaine, lui permet de se penser à part. Et de développer à cette nature un rapport utilitariste et de domination.

Cette longue histoire conceptuelle et culturelle, héritée des religions et d'une science qui trouvait une finalité dans la maitrise des phénomènes naturels, explique probablement une partie de notre situation actuelle, l’impasse de pensée dans laquelle nous nous trouvons engouffrés. Cependant, je comprends le sens de votre question : autour de nos maisons, il serait bon de laisser plus d’espace aux animaux, aux plantes, plus de zones en libre évolution et de friches. Bannissons les thuyas et les tondeuses ! Nos réflexes au jardin sont révélateurs de notre peur du sauvage, qui résulte de notre méconnaissance. Ce monde aseptisé nous rassure, alors que cela devrait être l’inverse : une vie foisonnante autour de nos maisons amène équilibre, force et résistance.

 

Avez vous quelques conseils à proposer à nos lecteurs pour mieux observer la faune sauvage ? 

Sortir avec une paire de jumelles et se poser ; être silencieux, discret, ralentir, se mettre à l’affût… tout en gardant en tête que tout est en ordre sans notre présence, donc y aller sur la pointe des pieds !

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© V. Munier
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© V. Munier