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Cécilia Monge

Vallée du haut-Var

Agricultrice & chevrière, femme de Jean-Christophe Poulet

38 ans

« c’est tellement relié en moi que sans mon troupeau, sans ma fromagerie, sans toutes ces choses, ça n’aurait plus de sens en fait, tout simplement. »

Cécilia Monge

Portrait par Eric Lenglemetz
Recueil de témoignage par Noëlie Pansiot

 

C’est là

J’ai une relation viscérale avec mes chèvres. 

C’est juste que c’est exactement là que je dois être (…) Ça ne m’est jamais venu à l’idée de dire : on arrête, je claque la porte. A la limite, la seule chose qui pourrait me faire arrêter, c’est que ma vie s’arrête, parce que de toute façon, c’est tellement corrélé que je ne pourrais pas faire autre chose. Non, je ne pourrais pas. Je sais faire d’autres choses, il y en a plein qui m’intéressent, mais l’exploitation s’arrêtera avec moi. Et ma vie de chevrière s’arrêtera avec ma vie tout court parce que c’est tellement relié en moi que sans mon troupeau, sans ma fromagerie, sans toutes ces choses, ça n’aurait plus de sens en fait, tout simplement.

Dès l’âge de 4-5 ans, j’ai voulu faire ce métier. Mon plus vieux souvenir, entre guillemets, ce sont mes grands-parents qui m’emmenaient en vacances quand j’étais petite. Ils adoraient aller en Suisse et ils ont commencé à m’y amener à l’âge de 4 ans. C’est la première fois que j’ai vu des vaches, la traite, tout ça, parce qu’à Mandelieu, les vaches, ça ne court pas les rues ! 

Quand je suis revenue de ce voyage, j’ai déclaré très solennellement à tout le monde que plus tard, quand je serai grande, j’aurai des vaches en Suisse.

Après, quand j’ai été plus âgée, en BTS, j’adorais toujours les vaches, laitières en particulier, mais autant le lait que l’animal en lui-même (…) Se faisant, je me disais  : si c’est possible de m’installer dans les Alpes-Maritimes, les chèvres, finalement, une fille, elle peut les mener toute seule et en faire son métier.

 

Le lait...

Le lait, pour moi, c’est tout simplement la vie. Tous les mammifères sécrètent du lait. Il permet le départ dans la vie de tous les petits, issus de n’importe quelle espèce de mammifère. 

Quelque part, c’est un souffle de vie, quelque chose de magique. C’est ce qui entretient la flamme de la vie dès le départ. 

C’est une matière première tellement intéressante ! Son origine, ce qu’on peut en faire, toute cette diversité de produits, qu’ils soient alimentaires ou cosmétiques... Avec du lait, on survit à toutes les situations, ce n’est pas pour rien qu’on a domestiqué les chèvres, les vaches, les brebis, les juments, les éléphants ou même les chamelles ! C’est une source de vie que l’on a à portée de main, sans chasser, sans la faire cuire. Il suffit d’amadouer, de domestiquer. L’élevage, c’est toujours une histoire de symbiose : en se rendant service mutuellement, on est vivantes toutes les deux et on peut avancer. Alors que peut-être, la chèvre, dans la nature, se ferait bouffer et n’irait pas plus loin. Ou de mon côté, peut-etre qu'avec mes enfants ou ma tribu, nous n’aurions pas pu survivre. Là, on travaille ensemble. 

Le contact physique, c’est ce qui crée un attachement à l’animal mais aussi au produit. On est super fiers de sortir des bons produits. C’est pas prétentieux du tout, au contraire! Au moins on sait pourquoi on se lève le matin. 

 

Les parcours...

On est dans une région qu’on appelle de parcours. Ce sont des terrains qui sont à faible densité herbagère mais à densité plutôt ligneuse, avec énormément d’espèces différentes, ce qui confère justement à nos laits et à nos fromages une typicité particulière. Du coup, mon lait n’aura pas le même goût que celui qui est en face. C’est vraiment la notion de terroir, qui apporte toutes les particularités organoleptiques à nos produits. Les chèvres vont rencontrer du thym, de la sarriette, de la lavande, elles mangent du genévrier, elles croquent les pins. Elles ont vraiment cette particularité-là de pouvoir exploiter les terrains comme ça (…) très riches en essences différentes, même s’ils ne sont pas forcément riches en énergie, comparé à de belles prairies (…)